Calquée sur les valeurs du développement durable, la mode éthique cherche une réponse aux problèmes environnementaux et sociaux que pose l’industrie du textile. En plein développement, elle touche à tous les secteurs de l’habillement : vêtements, chaussures, lingerie, bijoux, sacs et accessoires.

Un terme pour chaque tendance

Jean Stéphane, professeur de mode éthique à l’École Supérieur de Mode de Montréal détaille - pour Quebec 89 - les différents termes de la tendance de l’étiquette verte :

  • la mode éthique au sens strict s’inspire du commerce équitable. Elle montre une conscience sociale de la fabrication du vêtement. Cependant, dans le langage courant, le terme « mode éthique » évolue vers une définition beaucoup plus large qui englobe aussi la mode écologique, la mode recyclée et parfois même la mode durable et locale. Elle devient donc synonyme du concept global de mode responsable.
  • la mode écologique se soucie de l’environnement. C’est-à-dire que les méthodes de fabrication des produits sont écologiques.
  • la mode recyclée se construit à partir de vêtements et autres matériaux ayant déjà eu une première vie. (Voir deux ou trois, pourquoi pas.)
  • la mode durable, enfin, se confond avec ce que les experts appellent le slow-wear. « On fait des vêtements durables et indémodables. Ainsi, on pousse le consommateur à acheter de la meilleure qualité afin qu’il consomme moins. » Dans le langage courant, le terme de « mode durable » s’utilise souvent - tout comme « mode éthique » - pour désigner le concept global de « mode responsable ».
  • Nous y ajouterons la mode locale qui s’appuie sur des circuits de production très courts.

Notez que Les pieds dans la toile utilise toujours - sauf mention contraire - le terme « mode éthique » dans son sens le plus global.

Des engagements multiples

Ainsi, les entreprises qui s’engagent dans la mode éthique ont vocation à promouvoir un modèle commercial et industriel responsable et solidaire.

Respectant les principes du commerce équitable, elle induit : un salaire décent, le respect des droits des travailleurs, l’interdiction du travail des enfants et du travail forcé, l’absence de discrimination raciale ou sexuelle, la liberté syndicale et de façon générale le respect des conventions internationales de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) et l’application d’une charte minimum de droit social. Les conditions d’hygiène et de sécurité sont aussi prises en compte.

Du point de vue environnemental, la mode éthique cherche à diminuer son empreinte écologique. Elle préfère donc les matières premières dites « écologiques », biologiques ou recyclées. Elle se tourne aussi vers des processus de fabrication moins consommateurs d’eau, d’énergie et de transports.

On remarque également que les marques éthiques incluent – très souvent - dans leur démarche une politique permettant de pérenniser les savoir-faire locaux via une collaboration étroite avec les artisans et/ou une action sociale au sein de la communauté impliquée dans leur production.

Enfin, la mode éthique se présente souvent comme une alternative globale au « fast fashion » - vite fabriqués, vite vendus, vite remplacés – et à ses conséquences sociales et environnementales.

Un concept qui reste flou, voir un peu louche

Il n’existe cependant pas de définition officielle de cette mode éthique. De fait, n’importe quelle entreprise peut prétendre faire de la mode éthique sans qu’il n’y ait aucun contrôle pour le confirmer. Face à cet abus potentiel, les labels représentent le seul rempart « certifié » ; ceux-ci sont nombreux mais encore peu connus du grand public.

Une récente étude réalisée par l’IFM (Institut français de la mode) a ainsi montré que la mode éthique reste un concept flou pour beaucoup de consommateurs. « La mode responsable, les consommateurs ne voient pas encore très bien ce que c’est », explique Evelyne Chaballier, directrice des études économiques et prospectives à l’IFM.

D’ailleurs, si 21% des personnes interrogées disent avoir déjà acheté des vêtements bio ou éthiques, un quart des sondés affichent leur scepticisme vis-à-vis de ce type de produits, invoquant des prix trop élevés, des articles trop basiques ou un manque de confiance vis-à-vis du discours des marques, soupçonnées de greenwashing.

De plus, pour une majorité de consommateurs, la mode est « synonyme de plaisir, de coups de cœur et de désirs pour de nouveaux produits que la nécessité n’impose pas », souligne l’étude. Une définition ressentie comme contradictoire, voir totalement incompatible, avec la notion d’éthique ou de comportement responsable.

Des prémices dès la fin des années 1990

Pourtant, depuis la fin des années 1990, le consommateur montre une certaine sensibilité lorsqu’il se trouve confronté à l’impact social que peuvent avoir ses habitudes de consommation.

Réalisé en 1997, le documentaire The Big One - de Michael Moore - restera ainsi un des symboles de son époque : en dévoilant les rouages d’un esclavage moderne, le film provoqua une réaction forte de la part des consommateurs, à tel point que la marque Nike mis fin au travail des enfants dans ses usines indonésiennes.

À peine balbutiant, ce sursaut éthique ne l’emporta pas : en quelques années, les marques s’engagèrent massivement dans la voie de la sous-traitance. Ainsi dépourvus d’outils de production propre, elles n’endossent plus - désormais - la responsabilité des conditions de travail des ouvriers et se contentent d’apposer leur logo sur des produits fabriqués par d’autres.

Ce nouveau fonctionnement - opaque et porteur d’inégalité sociale - fut dénoncé dès l’an 2000 dans le livre No logo, la tyrannie des marques, par la journaliste canadienne Naomi Klein. Pourtant, dix ans plus tard, le reportage jeans à la mode, le prix à payer - diffusé par Envoyé Spécial en janvier 2010 – montre que celui-ci perdure.

L’exemple développé dans ce reportage montre que l’éthique sociale reste encore une préoccupation très secondaire pour les grandes marques de l’industrie textile : sous-traité en Turquie, les jeans y étaient encore délavés par la technique du sablage jusqu’au printemps 2009 ; une technique totalement interdite depuis des années en Europe et aux États-Unis parce qu’elle provoque la silicose, maladie mortelle du système respiratoire extrêmement douloureuse et invalidante.

Un développement prévisible malgré des limites intrinsèques à la filière du textile

Malgré tout, face au désengagement durable des grandes marques de l’industrie du textile, l’étude de l’IFM observe « une montée très importante des préoccupations sociales et environnementales » chez les consommateurs.

La mode éthique répond donc à une réelle attente et son marché à peine émergeant - qui se limite à l’heure actuelle à 1,5% des ventes - semble appelé à se développer dans les années à venir. On observe déjà une multiplication du nombre de créateurs et de vendeurs, une offre de plus en plus diversifiée et un intérêt grandissant des mastodontes de la mode pour les filières recyclées, écologiques ou sociales…

Cependant, la filière textile reste une des filières les plus longues et opaques de notre industrie : la matière première doit d’abord être produite, puis transformer en fibres qui seront alors tissées. L’étoffe obtenue deviendra un vêtement après une série d’étapes supplémentaires dont la teinture, la confection et les finitions.

Chacune de ces étapes peut-être réalisée par une entreprise différente et présente un impact sur l’environnement et sur ses ouvriers. Et, entre chaque étape, il faut prendre en compte la question du transport.

À l’heure actuelle, il reste donc difficile de trouver un vêtement 100% éthique dont les dimensions socio-économiques et environnementales seraient prises en compte sur toute la filière.