Lessive, tensioactifs et environnement

Quelles soient dites « écologiques » ou non, quelles soient industrielles ou faites maison (fussent-elles réalisées à base de savon de Marseille !), toutes les lessives sont nocives pour l’environnement. Plus ou moins nocives… mais nocives quand même !

Pourquoi ?

Si on les utilise pour laver notre linge, c’est parce qu’elles ont un effet. À minima, elles contiennent toutes des tensioactifs, autrement dit des molécules ayant deux extrémités différentes : une lipophile, l’autre hydrophile ; une structure qui entraine de fait divers problèmes :

  • Le premier de ces problèmes se présente dès la station d’épuration. En effet, les molécules tensioactives présentent dans nos eaux usées ont tendance à emprisonner les bulles d’air qui sont destinées à traiter nos boues d’épuration par aération, perturbant ainsi le processus de dégradation.
  • Ces boues d’épuration étant utilisées ensuite pour l’épandage agricole, les tensioactifs qui s’y trouvent encore s’infiltrent dans le sol et s’accumulent dans les nappes phréatiques. (C’est à dire dans nos réserves d’eau potable !)
  • Les tensioactifs ont aussi la particularité de s’accumuler à la surface des eaux (tête hydrophile côté eau, tête lipophile côté air). Elles empêchent alors l’oxygénation des eaux et la pénétration des rayons du soleil dans les milieux aquatiques. Ainsi la flore se développe difficilement, et la faune manque d’air et de nourriture.
  • Enfin, les tensioactifs ont des effets « de contacts » à cause de leur pouvoir « dégraissant ». Si le savon nous lave, il agresse aussi notre peau… parce qu’il attaque notre film hydrolipidique protecteur. Il faut comprendre ici que les tensioactifs auront le même effet sur tout ce qu’ils vont « toucher ». Ainsi, en attaquant les valves des coquilles des crustacés, ils vont finalement avoir sur eux un effet asphyxiant. Sur le littoral méditerranéen, les tensioactifs attaquent les arbres : les embruns marins, chargés de détergents « dégraissent » la cire protectrice des aiguilles et feuilles des pins, chênes verts, lauriers, etc. qui deviennent alors vulnérables à… tout ! Les exemples se démultiplient ainsi à l’infini… (Ce n’est d’ailleurs pas par hasard qu’il est possible d’utiliser le savon de Marseille pour lutter contre les pucerons.)

À partir de là, évidemment, plus une lessive est dite « biodégradable » moins elle aura d’effet à long terme. Mais biodégradable ne signifie pas non plus qu’elle se dégrade « intégralement » et « instantanément » !

D’un point de vue légal (en Europe, depuis 2005) les lessives doivent présenter une biodégradabilité finale des tensioactifs d’au moins 60% en 28 jours.

=> Des tensioactifs seulement ! Or une lessive contient souvent beaucoup d’autres agents.

=> Le tout basé apparemment sur des tests pratiqués en eau douce, avec une participation bactérienne importante, une faible quantité de tensioactifs et une température de 30° - le genre de conditions que l’on ne retrouve presque jamais dans un milieu naturel.

=> Et, que deviennent les 40% de tensioactifs restant ???

=> Il semble, de plus, qu’aucun label écologique ne présente d’obligation chiffrée plus restrictive de ce côté-ci…

En multipliant tout ça par le nombre de lessives effectuées chaque jours à l’échelle d’un pays, on obtient beaucoup de tensioactifs and co qui se baladent dans notre environnement…

Avec une moyenne de 4,2 lessives par semaine et par famille, la France totalise 20 millions de lessives par jour et 7,3 milliards de lessives par an.

… d’où l’importance d’utiliser une lessive qui aura le moins d’impact possible sur l’environnement !

Alors, quelles sont des grandes différences entre les lessives ordinaires et les lessives écologiques ?

- Les tensioactifs des lessives ordinaires sont synthétiques, c’est à dire issus de la pétrochimie. Ils se caractérisent par une biodégradabilité faible et lente. Dans les lessives écologiques, en revanche, les tensioactifs sont d’origine végétale : à base d’huile d’olive, de lin, de palme… et présentent une biodégradabilité bien plus rapide (de combien ? Aucune idée ! Je n’ai trouvé aucune données chiffrées sur la question… ) et bien plus grande (jusqu’à 100%).

Mais pourquoi les lessives ordinaires privilégient-elles les tensioactifs de synthèse ? D’abords parce qu’ils sont moins chers. Ensuite parce qu’ils sont moins sensibles à la dureté de l’eau : ils sont donc plus efficaces en eau très calcaire (et ont moins tendance à entartrer les machines à laver). Enfin, les tensioactifs de synthèse sont moins « séduisants » que leurs homologues d’origine végétale pour un développement bactérien.

En contre-partie, il semblerait que les tensioactifs d’origine végétale aient un effet « adoucisseurs textiles » grâce, justement, à leur sensibilité au calcaire : les savons calcaires qui se forment en eau dure (calcaire) possèdent un effet lubrifiant sur les fibres textiles. Les détergents d’origine végétale appellent donc moins à l’utilisation d’adoucissants que les détergents d’origine synthétique.

Notez, enfin, que c’est justement leur grande sensibilité à la dureté de l’eau qui rend les savons d’origine végétale moins nocifs pour l’environnement !

- Les additifs des lessives ordinaires sont multiples. Souvent issus de la pétrochimie, ils sont tous plus polluants - et susceptibles de provoquer des réactions allergiques - les uns que les autres : parfums, colorants, protecteurs de couleur, antimousse… En version écologique, ils sont généralement remplacés par des additifs d’origine végétale tels que des huiles essentielles.

- Les phosphonates sont souvent utilisés dans les lessives comme anti-calcaire. Ils jouent le même rôle que les phosphates, qui sont interdits en France dans les lessives depuis le 1er juillet 2007, parce qu’ils sont à l’origine d’un phénomène d’eutrophisation (asphyxie) des sols et des points d’eau… Le problème étant que ces phosphonates contribuent - eux aussi - à l’enrichissement en phosphore des eaux usées, et posent donc des problèmes semblables à ceux que posent les phosphates. Dans les lessives écologiques, ils sont remplacés par des zéolites ou des citrates qui posent moins de problèmes environnementaux.

- Les azurants optiques sont totalement exclus des lessives écologiques à cause de leur biodégradabilité quasi-nulle.

- Les enzymes utilisées dans les lessives écologiques - lorsqu’elles en contiennent - sont obtenues grâce à des micro-organismes non OGM. De plus, les fabricants s’appliquent généralement à ne pas laisser trainer ces micro-organismes dans leur lessive (!).

- L’agent blanchissant présent dans les lessives écologiques se nomment percarbonate de sodium, là où les autres lessives se tournent généralement vers le perborate de sodium qui pose nettement plus de problèmes environnementaux.

(Pour en savoir plus sur les quatre derniers points, consultez notre article précédent : liquide, poudre, blanc, couleurs, délicat… bien choisir sa lessive.)

Les labels et leurs limites

Pour vous aidez à choisir, partez à la chasse aux labels :

Notez toutefois que si l’éco-label européen est le seul label écologique « officiel » en ce qui concerne les lessives, il est aussi le moins restrictif : s’attachant surtout aux questions des emballages et de la consommation d’énergie pendant le lavage, il n’interdit ni les azurants optiques, ni les additifs et tensioactifs issus de la pétrochimie (tout au plus se contente-t-il d’en interdire une partie et de suggérer de limiter l’usage du reste).

Documents à consulter sur le Web :